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L'Amicale des Apaches - Education en démocratie
12 février 2012

Compte-rendu de la réunion publique du mardi 7 février 2012

Vivre ensemble : Quels chemins vers la socialisation ?

 

L'enfant et l'apprentissage du vivre ensemble

Comment acquiert-on les codes de la sociabilité ? Comment l'enfant, puis l'adulte, arrivent-ils, peu à peu, à maîtriser leurs émotions, leur agressivité, sans pour autant les ignorer ? C'est une question qui se pose tout au long de la vie. Il y a des postures différentes et des manières différentes d'encadrer cet apprentissage, d'amener vers plus d'humanité, d'amener l'enfant, puis l'adulte à s'humaniser.

On peut imaginer deux portes d'entrée : l'adaptation à des codes établis d'une part, le cheminement s'inspirant de la notion d'auto-éducation (selon laquelle on considère que l'éducation n'est jamais finie, jamais achevée une fois pour toute, que l'on peut toujours changer, apprendre, être influencé) d'autre part. Il y a peut-être aussi un temps pour l'une et un temps pour l'autre.

De fait, on n'attend pas les mêmes choses d'enfants / de personnes d'âges différents. Pour éviter les décalages dans les attentes, il peut être important de ne pas totalement méconnaître les étapes du développement de l'enfant, par exemple : avant 3 ans, la notion de politesse (et d'empathie qui l'accompagne) n'existe pas ; avant 6/7 ans, les nuances de politesse (tu/vous, salut/bonjour, etc.) ne font pas clairement sens. Si ce que l'on exige de l'enfant est dit et amené de manière posée et empathique, l'enfant peut en son temps entendre et répondre aux exigences et limites des autres et s'adapter ainsi à l'attente sociale.

L'enfant a le désir d'imiter, d'être en relation, en lien avec l'autre. C'est dans ce cadre que se fait l'apprentissage du vivre ensemble. La coercition, c'est le risque de dresser, ou du moins de policer, c'est-à-dire d'apprendre à l'enfant à nier ses émotions, à ne plus les exprimer, à ne plus leur faire place – et donc plus tard à ne pas faire place non plus aux émotions de l'autre.

En retour, il n'est pas toujours facile d'être poli et respectueux avec l'enfant. Or, si l'enfant acquiert la politesse et le respect de l'autre par mimétisme, il convient aussi de s'adresser à lui de manière polie, respectueuse et bienveillante.

Le respect ne se limite bien sûr pas à la politesse, dont elle ne représente qu'une facette. Prenons l'exemple des supposés « gros mots » : sans explication sur l'usage des mots (on peut dire « merci ! » de manière plus agressive et impolie que « merde ! »), sur l'impact de cet usage sur l'autre, le bannissement de certains mots/expressions n'a pas de sens, puisque ces mots existent et sont de fait utilisés dans certaines situations. Tout comme il ne s'agit pas simplement de nier l'agressivité, la colère, etc., il ne s'agit pas simplement de bannir certains mots et expressions du vocabulaire de l'enfant, mais de donner sa place et son usage à chacun.

Le respect des codes sociaux de politesse n'est pas seulement une question qui se pose à l'enfant et entre l'enfant et l'adulte. C'est aussi une question qui peut se poser entre deux adultes via l'enfant. Ainsi du « Dis bonjour à la dame » – sous entendu « car si tu ne dis pas bonjour à la dame, c'est moi, adulte, qui vais être jugé(e) pour l'éducation que je te donne et dont le bonjour, le baiser, le merci sont la vitrine sociale ». Dans ce genre de situation, on agit/fait agir l'enfant pour répondre à ce que l'on imagine être l'attente de l'autre.

On ne peut nier la/sa violence, la/sa colère, mais il faut apprendre à l'enfant (et se rappeler en tant qu'adulte) comment la canaliser. Pour l'adulte, se pose aussi la question de savoir comment on reçoit ce que l'on nous dit – ce que nous dit l'autre, enfant ou adulte. Comment apprend-on à faire la part de la colère de l'autre et la part de ses réactions à soi face à cette colère (et à celle de l'enfant) ? Apprendre à vivre cette confrontation est essentiel, c'est apprendre à dire ce que l'on pense, à formuler ses limites, de manière à ce que l'autre puisse le recevoir, c'est éviter l'inhibition, la négation de la personnalité – la sienne comme celle de l'autre.

 

L'enfant et le vivre ensemble à l'école

A l'école, il est, entre autres, question de répondre à une attente sociale, d'apprendre à s'adapter à cette attente afin de s'insérer au groupe que constitue la classe. Dans ce cadre-là, si elles ne sont pas imposées de manière brutale, l'enfant peut trouver les ressources pour entendre les règles, les appliquer peu à peu, voire les reformuler et inventer ses propres solutions.

Mais aujourd'hui, il y a souvent peu de place à l'école pour la singularité de l'enfant, pour ses différences. Le simple fait d'être turbulent peut désormais mettre l'enfant en échec scolaire très jeune : il y a peu de place pour ces singularités-là.

S'il existe des interdits fondamentaux qui valent partout (les coups portés à l'autre ou à soi-même, notamment), il y a parfois conflit entre les espaces d'autorité et entre les règles et permissions : telle règle s'applique ici, telle autre là. A l'école, il n'est pas permis de faire telle activité qu'il sera permis de faire à la maison. L'explication du lien entre lieu et règle est une nuance que l'enfant peut entendre jeune – si cette nuance est formulée ainsi dans les différents espaces.

La question de l'accueil individualisé à l'école se pose également en terme d'inégalité sociale : ne pas envisager l'individu que l'on a en face de soi, ne pas se demander qui est cette personne, c'est renforcer les barrières qui existent déjà entre certaines populations fragilisées et l'institution scolaire. Comment certains peuvent en venir à considérer que cette institution n'est pas utile ? On est collectivement responsable de ne pas exprimer ces problèmes-là et de ne pas chercher à construire des espaces de parole, de décisions communs.

 

La socialisation – Les adultes et l'accompagnement des enfants

Dans certaines sociétés, on se définit d'abord comme un être social, comme « avec l'autre ». Nous vivons dans une société qui valorise l'individu, la singularité. C'est l'apprentissage de cet équilibre fragile entre respect de la singularité et de l'individu et acceptation des règles du vivre-ensemble qui se pose.

La question de la sociabilité se pose également en terme de rapport de la société dans son ensemble à l'enfant. Dans certaines sociétés, c'est l'ensemble de la communauté des adultes (ou un sous-ensemble de cette communauté) qui est responsable de l'enfant. Dans les sociétés occidentales, la famille et ses deux parents – voir son unique parent dans le cas des familles monoparentales – se trouvent de plus en plus seuls responsables de l'éducation de l'enfant. C'est là une grande fragilité dans l'éducation et un grand poids sur l'épaule du/des parent(s). C'est ainsi que, d'une famille à l'autre, d'une culture familiale à l'autre, les réponses données à l'enfant vont parfois radicalement changer. C'est ainsi que l'intervention d'un tiers dans un conflit familial va parfois pouvoir être interprétée comme une intrusion inadmissible.

Sans dire qu'il faudrait des réponses univoques, la question se pose du rapport de la communauté des adultes à celle des enfants, des valeurs qu'une société dans son ensemble lègue à l'enfant, de la solitude des parents dans la nécessité/la responsabilité d'expliquer le monde, ses valeurs, son fonctionnement à l'enfant.

Que fait-on en commun de cette éducation ? L'éducation est l'affaire de tous les adultes, collectivement et pas seulement individuellement. C'est un positionnement aussi responsable que politique qu'il incombe à chacun de prendre. Le parent n'est pas seulement parent, il est également citoyen, dans son rapport à la famille comme à l'école : même si l'on a confiance dans la capacité de l'enfant à s'adapter aux exigences de l'école, même si l'on a confiance dans la capacité de l'institution à offrir à l'enfant un enseignement, il convient de se poser la question de l'absence d'espaces de discussions entre parents et école, de cette faille qui sépare l'extérieur et l'intérieur de l'institution. Il n'y a pas (peu ?) d'espaces non politisés (hors fédérations de parents – FCPE, PEP, etc.), pour parler de ce qui ne va pas – et de ce qui va.

Les parents n'ont pas non plus leur mot à dire lors des réformes de l'éducation nationale. Ni même au sein de l'école, lorsqu'il est question du règlement et de la vie collective. Pour exemple, cette parent écartée du conseil d'école pour avoir interpellé l'assemblée sur une question qui n'était pas à l'ordre du jour de la réunion (la violence quotidienne dans la cour de l'école). L'expérience de la Marelle à Pantin (une fédération indépendante de parents) reste une expérience isolée. Comment est-il possible de penser l'échange avec l'institution ? L'esprit de la crèche parentale est une expérience riche qui pousse à vouloir modifier les contours de la relation à l'institution.

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