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L'Amicale des Apaches - Education en démocratie
25 janvier 2012

Statut de l'enfant / Statut de l'adulte - Quel partage des espaces de décisions ?

Amicale des Apaches
Education en démocratie / Réunion publique

Le mardi 20 décembre à la Joie du Peuple

Statut de l'enfant / Statut de l'adulte
Quel partage des espaces de décisions ?

 

Etaient présents Cécile, Vincent, Marc, Pascal, Sevan, Adeline, Carole, Nathalie, Marion, Camille, Aude, Sandrine, Véronique.

Introduction

Nous commençons par un rapide historique des raisons de notre présence pour cette première réunion publique à destination de ceux qui n'en ont pas suivi les premiers pas. Nous en rappelons les grandes lignes, ouvertes à discussion et proposition : une réunion publique toutes les 6/8 semaines autour d'une proposition de thème à élaborer ensemble en petite réunion préparatoire (ouverte elle aussi à qui veut). La discussion est ouverte à tous. Le débat est posé dans ses grands termes, avec éventuellement quelques textes ou références à l'appui, apportés par qui le souhaite.

Après la réunion, les notes sont rassemblées pour constituer un compte-rendu, envoyé sous forme de newsletter à la liste des personnes qui le souhaitent. Tout retour concernant cette newsletter est bienvenu par mail.

Il est envisagé sous peu d'ouvrir un blog/un facebook permettant la diffusion de la lettre, la mise en ligne des réflexions, des textes et des liens de l'amicale, la discussion en ligne.

Discussion

Du fait de la présence (merci à eux) de deux enseignants (de collège et d'université) la discussion s'oriente tout particulièrement sur les espaces de décision au sein de l'établissement scolaire et sur les relations parent/enseignant/élève.

 

_Nous posons quelques termes, et notamment celui de « statut ». Les statuts, c'est comment, dans une relation d'éducation, on va traiter l'autre/être traité. La question est de savoir comment on crée une cohérence. Dans l'environnement scolaire, si on est dans un partage d'expérience, une égalité des statuts, la démocratie ne devrait pas s'arrêter à la porte de l'école. Se pose aussi la question de l'espace de vie, de l'espace de décision, de l'âge, de l'histoire du lieu.

_Dans un établissement scolaire, il existe un règlement intérieur, RI (que l'élève signe), qui est tiré du code de l'éducation. Le RI est rédigé par le Conseil d'Administration constitué d'enseignants, de non-enseignants, du conseiller d'éducation, de délégués de parents, d'élèves délégués, éventuellement de représentants du conseil général, du maire du village, etc. Il est rarement modifié, car c'est une procédure lourde (il doit être réécrit par le Conseil d'Administration).

Il s'agit bien d'un processus démocratique. L'adulte sanctionne en accord avec le RI, en application des règles démocratiques, de son cadre et de ses lois. Mais le professeur dépend du code de l'éducation et ne signe pas le règlement intérieur, que, souvent, il ne connaît pas. Les processus démocratiques sont certes en place au collège. Mais les professeurs n'ont pas de formation spécifique quant à cette question.

Par ailleurs, la situation professorale interroge ce cadre démocratique. Une des limites de ce cadre est en effet que l'adulte enseignant est seul dans la classe face à trente élèves. Les salles de classe constituent donc des espaces différents selon les professeurs qui les occupent. Cela implique qu'il existe des limites différentes, des tolérances et donc de l'autoritarisme – ce qui est l'antithèse de la démocratie.

Le Conseil de discipline se réunit après convocation de l'élève. Il peut conclure à un blâme, à une exclusion. Il est présidé par le chef d'établissement, représentant de l'Etat. Dans ce cadre, il peut y avoir des déviances : et notamment l'absence de défense. Le témoignage est généralement à charge et les rôles ne sont pas précisément définis. Le modèle est alors le tribunal populaire, l'inquisition. L'enfant a certes le droit de se faire représenter par un avocat, mais le cas est rare. Quand un avocat est présent, le conseil de discipline se passe généralement différemment, les chefs d’établissement ayant pour recommandation de ne pas faire de vagues.

Par ailleurs, l'inspection académique impose des cotas qui fixent le nombre maximal d'exclusions dans tel ou tel établissement. Et, finalement, le déroulement des conseils de discipline dépend largement de la politique de l'établissement.

En cas de délit, l'élève doit répondre du règlement intérieur, ce qui ne l'empêche pas d'être déféré à la justice.

Dans ce cadre, le statut et la place de l'enseignant sont fragiles. Il est pris entre l'espace de l'administration dont il dépend et sur lequel il doit/devrait pouvoir s'appuyer (soutien parfois fragile et fortement remis en question par le projet d'évaluation des enseignants par les chefs d’établissement) et l'espace de la classe, des élèves avec lesquels il peut se trouver en porte-à-faux. La question de la démocratie, c'est aussi de savoir quels espace/marge de manœuvre, quel temps (il est pressé par la nécessité de « tenir sa classe », par le temps du programme) et quels outils a l'enseignant pour construire cet espace démocratique, d'échanges et de réflexions sereins.

_Du point de vue extérieur à l'école, et notamment du parent, la question est de pouvoir interroger. La démocratie, c'est pouvoir remettre en question. Le problème n'est peut-être pas tant alors ce qu'il se passe dans la classe, que le fait de ne pas savoir, de ne pas avoir d'espace de discussion à ce sujet. Or, si personne ne sait exactement où et comment il agit, alors comment créer un espace de parole ?

L'arbitraire, c'est justement quand les limites deviennent floues, quand les rôles sont mal définis. Quand il y a des limites claires, il y a possibilité de négocier à l’intérieur du cadre et c'est sécurisant pour tout le monde.

Dès lors, la rigidité du cadre peut apparaître comme injustifiée.

Lorsque l'on punit dès les premiers jours l'enfant qui à l'école n'a pas suivi la règle, on lui refuse le temps nécessaire à l'apprentissage de la règle. Si l'on se place dans l'idée que l'éducation, c'est le soucis d'humaniser l'enfant, il faut nécessairement lui laisser le temps d'intégrer la loi avant de le punir pour son effraction. Il faut lui rappeler la loi dans un soucis de le structurer, graduer les exigences.

Contrairement au monde adulte (dans lequel la sanction est la même, que l'on connaisse ou non la loi), le code des règles doit être proportionné à l'âge. Il faut se donner un temps pour prévenir, expérimenter les règles, afin de garder la confiance et instaurer une relation sécurisante. Il faut laisser le temps à l'enfant de comprendre l'intérêt de la loi. L'enjeu n'est pas tant de se faire respecter que de faire respecter le cadre (dont on peut être un représentant à un moment donné). Et le moyen est le respect de la règle.

Dans d'autres situations, la question de la sanction peut se présenter différemment. Ainsi, dans le cas de l'adulte psychotique, la loi peut venir faire rupture entre le délire et le réel, lui rappeler la limite qu'il n'est pas toujours en mesure de percevoir du fait de la psychose. Le caractère rigide de la loi peut alors être perçu comme rassurant.

_L'enjeu affectif vient teinter la relation à l'autre. La question est de savoir comment on peut être contenant pour l'enfant, comment on aide l'enfant à grandir sans qu'il se perde. Hurler n'est pas contenant, l'exaspération, le cri non plus. Quand on est clair avec soi-même, calme, on est aussi convaincant.

Dans le cadre scolaire, l'autorité peut aussi se jouer dans le nombre d'enfants accueillis dans la structure. Mais on peut citer quatre éléments fondamentaux de l'autorité : l'équité, la compétence, l'acceptation de la contradiction dans le cadre du dialogue, le détachement par rapport aux émotions (mettre le moins de subjectivité possible – ce qui ne signifie pas l'indifférence à l'autre, mais que la relation individuelle n'a pas sa place dans le cadre collectif de la classe).

Toutefois, si l'on veut incarner une autorité, il faut aussi que cette autorité s'ancre dans des affects. Il faut composer entre légalité et légitimité. L'affect, c'est la matière même du travail. Comment trouver la bonne distance ? Le travail en équipe peut permettre de construire une frontière. Interroger ses affects, les connaître est une question d'honnêteté professionnelle.

On peut par ailleurs être à l'écoute, sans pour autant entrer dans l'affect ni proposer des réponses. Ne pas offrir de réponse immédiate à une demande, c'est instaurer une distance, c'est demander à l'autre de ne pas projeter sur soi ce qu'il voudrait qu'on lui donne. On peut se laisser habiller de tel ou tel costume, tant que l'on n'est pas dupe de la situation, tant qu'on ne colle pas au rôle que l'autre voudrait nous faire jouer.

Il est important d'être à l'écoute sans infléchir la loi. J'entends, mais. Il y a un temps pour l'empathie et un temps pour le rappel à la loi. Il faut laisser un espace d'expression à l'autre, mettre en mot la limite et ses propres limites. Ne pas saturer l'espace de discussion d'affects, c'est laisser à l'autre la possibilité de réfléchir, de proposer, de penser.

Il serait intéressant d'ailleurs de se demander pourquoi on arrive plus facilement à poser ce cadre avec un enfant, à lui rappeler la limite, qu'avec un adulte...

 

Quelques références...

>Marcel Gauchet, La démocratie d'une crise à l'autre, 2007

>Jacques Rancière, Le Maître ignorant, Cinq leçons sur l'émancipation intellectuelle, 1987

>Boris Charmatz, Je suis une école, 2009

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