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L'Amicale des Apaches - Education en démocratie
7 juin 2012

Compte-rendu de l'Amicale du 5 juin 2012 / La transmission, une question de temps ?

Nous commençons par revenir sur deux posts que vous trouverez ci-dessous : l'extrait d'un entretien avec Bertrand Ogilvie et le compte-rendu d'une rencontre à Vitruve avec Patrick Viveret. 

Le constat est assez similaire : l'école ne parvient pas/plus à faire son travail de transmission. Colonisée par la formation et l'évaluation, elle est fondamentalement paradoxale et, se complaisant dans le fantasme égalitaire, renforce les inégalités. L'entretien avec Bertrand Ogilvie offre une histoire éclairante de ces paradoxes de l'école française républicaine depuis 1789. Prise dans une  double torsion spatiale et temporelle, elle distribue la différence de valeur entre les élèves et construit leurs identités sur un paradoxe : " Dans cet espace euclidien et cette temporalité simple où se trouve l'élève, ce qui se voit, c'est que son voisin a répondu à toutes les questions et pas lui. Il ne peut en conclure qu'une chose, vu le système d'interprétation dans lequel il est : qu'il y a une différence de valeur entre lui et son voisin, alors qu'il n'y a qu'une différence de temporalité, et que cette différence de temporalité n'a aucune importance, et n'a rien à voir avec la transmission des savoirs."

La réponse de Patrick Viveret à ce constat d'échec est de rappeler l'importance de ce qu'il appelle les TNTS ou Toujours Neuves Technologies de Sagesse (par opposition aux NBIC ou Technologies Nano Bio Informationnelles et Cognitives en transformation perpétuelles et toujours déjà obsolètes). Il rappelle l'importance de reposer - et donc de transmettre - les questions humaines fondamentales, seule manière de pouvoir penser le dialogue des civilisations (et non leur choc).

Se posent en effet plusieurs questions. 

>La question du sur-mesure. L'école s'industrialise, fait sur mesure et être intelligent, c'est d'avantage s'adapter à, répondre à des exigences extérieures qu'inventer, proposer. La résistance n'est pas/plus une valeur positive, contrairement à l'adaptabilité.

>La question du désir. Apprendre par coeur : contre l'apprentissage de mémoire de savoirs extérieurs à soi, apprendre non pas par coeur, mais avec le coeur. Avec le désir. Transmettre, c'est transmettre le désir et amener ailleurs, afin de surprendre et par là de rendre curieux. On pourra écouter sur cette question le Grand Entretien avec Cécile Ladjali sur France Inter (http://www.franceinter.fr/personne-cecile-ladjali - A 45 mn d'émission)

>La question du contrôle et du lâcher prise. Pour transmettre, il n'est pas forcément besoin de contrôler, de maîtriser, de savoir déjà. On peut transmettre dans le défaut, le manque ; on peut se refonder dans l'incapacité. Célestin Freinet invente sa pédagogie parce qu'il se trouve en incapacité d'enseigner debout sur l'estrade à ses élèves. Il doit trouver des solutions et réinvente l'espace de la classe et les liens qui se tissent entre les élèves. Rancière, dans le Maitre ignorant, pose que le maître n'a pas besoin de savoir plus que/avant ses élèves, que l'apprentissage se fait dans le questionnement, l'écart entre et la recherche collective de réponses. 

Qu'est-ce que cela produit de lâcher prise, de surprendre ? Qu'est-ce qui fait alors sanction ? Sanction, non pas au sens de punition, mais au sens de rupture, de limite, d'intervention du tiers. Cela suppose de ne pas avoir peur de ce que l'autre va trouver et proposer, ni de ce qui va se tisser entre les élèves/les enfants et entre l'élève/l'enfant et soi.

Pierre Rabhi (voir son blog dans les liens et son intervention dans Solutions locales pour un désordre global, de Coline Serreau), défenseur d'une agriculture indépendante du pétrole et sur sols pauvres, fondateur du Mouvement Colibris, s'interroge sur la question de la transmission. Et part de la nécessaire insuffisance de chacun.

>La question des grands récits. De la réimportation de la critique anglo-saxonne postcoloniale en France (Revue des Livres, Editions des Prairies ordinaires, etc.), de l'accessibilité des outils techniques de diffusion en ligne (blogs, youtube, etc.) et de l'effort des intellectuels pour d'une part faire le lien avec les militants, d'autre part prendre le temps de proposer des points de vues forts et alternatifs au grand public (Appel des Appels, Frédéric Lordon et autres) résulte un foisonnement de réflexions et contre-propositions précieuses. On a l'impression de sortir d'une période d'une vingtaine d'années où il a été difficile de dire, de nommer, de retisser les récits fondamentaux, d'avoir été comme happés par le mouvement, le changement et la difficulté à saisir le sens de ce mouvement. 

Certains (Frédéric Lordon) défendent la nécessité de transformations institutionnelles, d'autres (Edgar Morin) d'initiatives locales, d'autres des deux (Patrick Viveret), mais tous semblent supposer la nécessité de faire revivre les questions, de garder vivants et actifs les récits humains, de refonder le lien historique.

En somme, l'important est de continuer à (re)poser les questions. Peu importe que l'on n'ait pas les mêmes réponses, l'essentiel est d'avoir un lieu/temps pour se les poser ensemble. Philippe Mérieu le défend dans le compte-rendu que vous trouverez dans le post ci-dessus "Transmettre, oui... mais comment ?"

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